La loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables du 10 mars 2023 (dite APER) a défini les conditions de développement de l’agrivoltaïsme (ombrières/persiennes) et des centrales photovoltaïques au sol dans les espaces agricoles, naturels et forestiers.
Ces dernières ne pourront être autorisées que sur des terrains bien identifiés dans un document-cadre désignant les terres incultes, les parcelles non exploitées depuis au moins dix ans ou d’autres réputées propices (friches industrielles, anciennes carrières, etc.).
La loi a confié aux Chambres d’Agriculture la responsabilité d’élaborer ce document-cadre.
Le 3 janvier 2025, au cours d’une réunion d’information, deux représentants de la Chambre d’Agriculture ont présenté une cartographie des terrains retenus sur les territoires de leurs communes respectives aux élus de la Communauté de Communes des Aspres sans toutefois que ce document ne leur soit transmis en main propre. Les élus ont alors manifesté leur désarroi et leur mécontentement, insistant sur le fait qu’ils avaient des comptes à rendre à leurs conseils municipaux et à leurs administrés et qu’ils ne sauraient travailler dans le secret et sans concertation dans ce genre de dossier essentiel pour l’avenir de nos territoires.
Au cours des semaines suivantes, Mme le maire de Tordères et son adjointe, comme bien d’autres élus des Aspres, se sont rendues à la Chambre d’Agriculture pour obtenir de plus amples renseignements sur les parcelles choisies pour figurer dans le document-cadre à Tordères.
Le 9 janvier 2025, la Chambre d’Agriculture a transmis au Préfet le document-cadre non retouché en dépit des premières demandes des élus (dont ceux de Tordères).
Ce document présente une carte à l’échelle départementale indiquant en bleu les zones retenues ainsi qu’une note explicative sur la démarche d’identification de ces zones.
Aucun ouvrage photovoltaïque (hors installations agrivoltaïques) ne pourra être implanté en dehors des surfaces identifiées dans ce document-cadre arrêté par le Préfet sur proposition de la Chambre d’Agriculture.
Par un courriel daté du 11 mars 2025, la Communauté de Communes des Aspres a informé notre municipalité que le Préfet des Pyrénées-Orientales l’avait saisi par lettre du 25 février 2025 afin qu’elle rende un avis sur le document-cadre. Cet avis doit être rendu dans un délai de deux mois, soit au plus tard le 28 avril 2025.
Le courrier du Préfet a été transmis par courriel à notre municipalité le 14 mars 2025.
Notre conseil municipal remet en question le choix préfectoral de faire appel à la Communauté de Communes pour se prononcer sur ce document-cadre car il estime que ce sont bien les communes qui auraient dû être consultées et non pas la Communauté de Communes qui n’est pas compétente pour émettre un avis sur ce type de document.
En effet, l’article R.111-61 du code de l’urbanisme indique qu’«à réception de la proposition de document-cadre émise par la chambre départementale d’agriculture en application du deuxième alinéa de l’article L. 111-29, le préfet la transmet pour avis aux représentants des organisations professionnelles agricoles intéressées, aux représentants des professionnels des énergies renouvelables, aux représentants des collectivités concernées et à la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers.» Or, pour rappel, un EPCI n’est pas une collectivité territoriale telle que l’entend la Constitution dans son article 72 : « les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les territoires d’outre-mer. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi. »
Nous tenons également à souligner qu’à travers l’adoption d’une motion on ne peut plus claire, datée du 25 mars 2024, notre conseil municipal s’est unanimement positionné contre l’implantation de centrales photovoltaïques et agrivoltaïques en zones agricoles et naturelles en dehors des ZAER définies par la commune.
Dans cette même logique, dans le cadre de l’établissement des ZAER, notre municipalité s’est engagée, en pleine concertation avec la population préalablement consultée, à ce que la présence de photovoltaïque au sol en soit exclue, tout en privilégiant un autre type d’installation en leur sein (panneaux solaires et photovoltaïques sur toiture).
La cartographie proposée dans le document-cadre n’a absolument pas pris en compte ces ZAER ni la volonté locale de refuser les centrales photovoltaïques au sol.
Nous, élus de Tordères, dénonçons l’absence de concertation dans ce dossier alors que, lors de la conférence de présentation de la Loi APER du 6 novembre 2023, au Soler, les services de l’Etat avaient pourtant bien stipulé que rien ne serait décidé sans que, à minima, les communes ne soient consultées.
Enfin, force est de constater que la Chambre d’Agriculture n’a pas respecté l’obligation d’identification des surfaces à l’échelle des parcelles cadastrales, de sorte que les surfaces proposées ne permettent pas d’apprécier précisément les surfaces de terrain concernées.
Par ailleurs, la Chambre d’Agriculture ne s’est appuyée que sur les déclarations PAC des agriculteurs pour déterminer si elles étaient exploitées ou pas, or certaines parcelles sont utilisées, notamment dans un cadre pastoral (en landes et parcours), sans toutefois qu’elles soient nécessairement déclarées.
Contexte local :
Ce préambule étant établi, nous allons maintenant entrer dans le détail pour chaque parcelle de Tordères retenue dans le document-cadre, à savoir la A447, A451, A670, A672, A680 et A683.
Ces six parcelles se situent dans des secteurs où le risque incendie est élevé, dans une commune soumise depuis 2007 à la prescription d’un PPRif (Plan de Prévention des Risque Incendies de Forêts) tant l’aléa et le risque y sont élevés.
Nous alertons donc d’ores et déjà les services préfectoraux sur les dangers que présenterait l’installation inconsidérée de centrales photovoltaïques au sol au regard d’une défense incendie déjà bien assez lourde à assumer pour notre commune sans avoir besoin d’ajouter « du risque au risque ».
Soulignons que ces six parcelles sont pacagées par le troupeau d’une éleveuse d’ovins de Tordères qui contribue largement à la lutte contre le risque incendie (élevage qui perdure depuis plus de 50 ans, soit deux générations d’éleveurs, malgré les difficultés liées à la dureté du territoire).
Les services de la DDTM dédiés à la forêt et à l’incendie pourront témoigner des efforts menés par la commune en matière de défense incendie, à travers notamment la question pastorale (mise en place d’une Association Foncière Pastorale largement dédiée à la question de l’incendie et bail pastoral établi sur plusieurs centaines d’hectares, depuis 1988).
Par ailleurs, l’analyse environnementale, qui a été l’un des supports fondamentaux dans l’élaboration du Plan Local d’Urbanisme adopté par le conseil municipal en 2017, a mis en exergue que la partie du territoire où se situent ces parcelles joue un rôle essentiel pour le bon développement de la biodiversité locale car elle constitue un véritable corridor écologique entre le massif forestier et la plaine agricole.
Dans ce grand ensemble naturel peu perturbé par l’action de l’homme, de nombreuses espèces ordinaires et patrimoniales effectuent la totalité de leur cycle de vie, tant sur le plan de la flore que de la faune (insectes, oiseaux, mammifères, amphibiens, reptiles, etc.) qui apprécie particulièrement cette mosaïque.
Les formations ouvertes, telles que le maquis bas pâturé qui se trouve sur les parcelles concernées, présentent un intérêt majeur car elles abritent une grande partie de la diversité faunistique et floristique de notre commune, notamment deux espèces à fort enjeu régional de conservation : le circaète Jean-le-blanc et la pie-grièche à tête rousse (pour cette dernière, au niveau du maquis, la nidification est certaine). D’autres espèces patrimoniales y sont également présentes, comme le lézard ocellé.
Le territoire de Tordères, et notamment le secteur du Puig Carbouner, est très peu artificialisé et les continuités écologiques n’y connaissent que de rares obstacles. La connectivité écologique y est peu menacée et les élus de Tordères souhaitent que cet état de fait perdure car c’est là une des plus grandes richesses de notre commune.
1) 1er SECTEUR RETENU : PARCELLES A670 et A447.
Ces parcelles se situent en zone N (naturelle) du Plan Local d’Urbanisme de Tordères où «sont interdits toutes constructions, occupations et installations nouvelles. (…) Tous dépôts, constructions, installations ou aménagements dans le lit des ravins et cours d’eau, ainsi que dans une bande de 15 mètres de profondeur (5 mètres pour les clôtures) à compter de leurs rives naturelles ou aménagées.»
Leur délimitation au sud-est est constituée par la rivière du Lladac et se trouve en bordure d’un Espace Boisé Classé. Ces deux parcelles forment donc en partie une ripisylve avec une biodiversité spécifique à ce genre de secteur, tant en matière de flore que de faune. Ces milieux accueillent des espèces floristiques et faunistiques particulières, adaptées à une alternance entre période en eau et période d’assec. Ils constituent des habitats intéressants pour certains insectes et amphibiens, notamment le crapaud calamite qui y a été observé.
Leurs abords, sud-est et nord-ouest, sont particulièrement érodés.
Il n’existe pas de chemin d’accès à ces parcelles qui dépendaient auparavant des vignes alentours.
Les matériels nécessaires à une quelconque installation pourraient difficilement y être acheminés par voie terrestre puisque le chemin rural du Lladac, situé à une centaine de mètres au-dessus, au nord-ouest, a la particularité d’avoir, si l’on vient de Fourques, deux ponts étroits qui permettent pas la circulation de véhicules lourds (l’un enjambe la rivière du Lladac, l’autre celle du Mona). Le chemin du Lladac est également inaccessible aux véhicules lourds si l’on y accède par le village de Tordères où la voie est rétrécie en cœur de village.
2) 2ème SECTEUR RETENU : PARCELLE A672.
Cette parcelle (fusion des parcelles A106 et 107) n’est que partiellement retenue dans le document, dans des proportions bien délimitées (environ une moitié de la parcelle). Les surfaces identifiées dans le document-cadre ne permettent pas d’apprécier précisément les surfaces de terrain concernées.
Cette parcelle se situe en zone N (naturelle) du Plan Local d’Urbanisme de Tordères où «sont interdits toutes constructions, occupations et installations nouvelles. (…) Tous dépôts, constructions, installations ou aménagements dans le lit des ravins et cours d’eau, ainsi que dans une bande de 15 mètres de profondeur (5 mètres pour les clôtures) à compter de leurs rives naturelles ou aménagées.»
Au sud, elle est délimitée par le chemin rural du Lladac et, au nord, par un ravin bordant le Correc del Puig Carboner (un ruisseau affluent de la Tordera). Elle est marquée par d’importantes zones de déclivité (ravins) et une forte érosion qu’il convient de ne pas aggraver.
Soulignons que les matériels nécessaires à une quelconque installation ne pourraient pas être acheminés par voie terrestre puisque le chemin rural du Lladac, situé à une centaine de mètres au-dessus, au nord-ouest, a la particularité d’avoir, si l’on vient de Fourques, deux ponts étroits qui ne permettent pas la circulation de véhicules lourds (l’un enjambe la rivière du Lladac, l’autre celle du Mona). Le chemin du Lladac est également inaccessible aux véhicules lourds si l’on y accède par le village de Tordères où la voie est rétrécie en cœur de village.
3) 3ème SECTEUR RETENU : PARCELLES A451, A680, A683.
Ces parcelles ne sont que partiellement retenues dans le document, dans des proportions bien délimitées (une infime partie des parcelles A451 et A683 et un quart de la parcelle A680 – fusion des parcelles A159, A444, A507 et A508). Les surfaces identifiées dans le document cadre ne permettent pas d’apprécier précisément les surfaces des terrains concernées.
Ces parcelles se situent en zone Apa (agricole) du Plan Local d’Urbanisme de Tordères où «sont interdits tous dépôts, constructions, installations ou aménagements dans le lit des ravins et cours d’eau, ainsi que dans une bande de 15 mètres de profondeur (5 mètres pour les clôtures) à compter de leurs rives naturelles ou aménagées (…), toutes constructions, occupations et installations nouvelles (…), et toutes constructions à destination d’habitation. »
Leur délimitation au nord est constituée par le chemin DFCI A15 dit aussi « Traverse de Thuir » et au sud par une vigne bordant la rivière du Lladac.
Ces parcelles se trouvent sur une zone de co-visibilité de deux maisons respectivement situées à 82 mètres et 230 mètres, et d’une dizaine de maisons du village et de la route de Fourques pour lesquelles l’installation d’une centrale photovoltaïque au sol constituerait une grave atteinte paysagère.
Conclusion :
Pour toutes les raisons précédemment évoquées, tant en termes de risque incendie, de déclivité, d’érosion, de co-visibilités et d’atteintes paysagères, de difficultés d’accès par voie terrestre pour des véhicules lourds, de remise en question de corridors écologiques et des perturbations que cela entraînerait pour la biodiversité locale, la municipalité de Tordères est donc totalement défavorable aux choix des parcelles retenues dans le document-cadre transmis pour avis par M. le Préfet à la Communauté de Communes des Aspres.
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